EUDANLA | Les vertus du voyage en solitaire
Rédactrice et journaliste brestoise, Laëtitita Gaudin
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Les vertus du voyage en solitaire

ermitagenevskyDe retour depuis plus d’un mois, j’ai le recul (et la nostalgie) nécessaire pour faire l’apologie du voyage en solitaire d’abord et de la Russie ensuite. Voyager seule présente de nombreux avantages. Surtout si, comme moi, l’avant-veille du départ (j’exagère à peine) vous constatez ne toujours pas avoir de visa ; que la date du billet de train qui doit vous conduire jusqu’à Paris n’est pas correcte ; que le pays rêvé et fantasmé est grand comme 31 fois la France (ça calme !) et que pour aller de Saint-Pétersbourg à Moscou, il va falloir passer une nuit dans un wagon avec 53 autres personnes que l’on imagine toutes forcément perverses, fantasques, alcooliques, mangeuses de cornichons et odorantes (les raconter ainsi en amont à son entourage, ça donne, je trouve, un côté romanesque au déplacement). Lutter seule contre les poncifs, c’est plus facile. Partir  à l’aventure avec ses avaries, aussi.

La fleur au fusil, je me suis donc envolée vers Saint-Pétersbourg. Sans dictionnaire de russe. Parce que je n’aime pas la facilité et surtout parce qu’en prendre un aurait signifié vouloir se priver d’une quatrième paire de souliers (finalement, je n’en utiliserai que deux). La vie est faite de sacrifices. Et de principes. J’ai tendance à croire que les seconds mènent plus loin que les premiers. Surtout, avant de poser les pieds sur le sol russe, j’avais encore l’espoir d’être une descendante de la dynastie des Romanov. J’en étais convaincue, les premiers mots de russe entendus frapperaient mon ADN et, comme par magie, je (re)deviendrais bilingue. La magie n’a pas opéré. Il a donc fallu ruser. Selon la situation, j’ai trouvé deux solutions pour me dépatouiller : un sabir très personnel composé d’un peu de russe, d’un peu d’anglais et d’un peu de breton, l’ensemble ponctué d’onomatopées que viennent appuyer quelques mouvements de brasse et de crawl. Ça fonctionne plutôt bien. C’est un peu précaire pour engager un débat sur l’immobilisme de Poutine face au conflit syrien mais pour commander un bortsch au restaurant MY MY [mou mou], ça reste très utile. Deuxième option : fermer sa bouche, feindre l’idiotie et la naïveté. J’avoue être d’ailleurs plutôt forte pour cette discipline. Ça, c’est pour la fois où un pope a voulu me pourchasser (sans doute pour me conduire fissa au goulag) parce que de manière très insistante je l’ai observé faire avec ses ouailles, lesquelles semblaient comme envoûtées. Son second s’est approché de moi avec une discrétion de loup déguisé en grand-mère. Avec son index désapprobateur pointé vers d’autres cieux, dans sa grande robe noire, en glissant sur le sol marqueté, il mimait le va-et-vient des essuie-glaces. J’ai fait mine de ne pas comprendre ; j’ai soulevé les épaules ;  j’ai nié avec la tête ; j’ai souri avec les dents (je ne souris jamais avec les dents) ; j’ai couvert ma tête d’un foulard parsemé de têtes de mort que j’ai noué sous le menton pour finalement davantage ressembler à une receleuse de matriochkas qu’à Natalia Vodianova. Puis je suis sortie de l’église. À petits pas puis à grandes enjambées (toute proportion gardée). Honnêtement, ces déconvenues ont-elles besoin de spectateurs ? Non. Encore moins de quelqu’un qui, par bienveillance sans doute, victorieux, conquérant, un cor de chasse fictif aux lèvres, lance : « Je t’avais prévenue… »

La démonstration vaut aussi pour la valise très lourde que l’on déplace avec difficulté dans le métro et qui excite avec vice et malice les glandes sudorales. Direction assistée ou pas, elle est un fardeau qui rend gauche la plus distinguée des filles… quoique la plus distinguée des filles trouve toujours quelqu’un pour lui venir en aide. Seule avec mes difficultés, certes. Mais digne ! À SUIVRE…

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